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02/03/2011

Pierre de patience (Syngué Sabour) de Atiq Rahimi

J’ai enfin lu Pierre de patience (Syngué Sabour) de Atiq Rahimi dont voici la 1ere et dernière phrase.

 

« La chambre est petite.

Le vent se lève et fait voler les oiseaux migrateurs au-dessus de son corps. »

 Il y a eu de multiples notes, critiques, revues sur ce livre qui a eu le Goncourt 2008. Cette note ne sera donc pas révolutionnaire mais mon objectif étant de garder quelques part une trace de mes impressions, elle fera l’affaire.

 

C’est un livre coup de poing. Une écriture superbe, fluide. Des phrases courtes, efficaces mais qui souvent poétique. Un livre où les forts ne sont pas toujours ceux que l’on pense, ni les faibles non plus d’ailleurs. Où le mal n’est pas toujours caché là où l’on pourrait l’imaginer Où les femmes ne sont pas toujours que des victimes (la belle mère), et les hommes des monstres (le beau père).

 

Une femme est au chevet de son mari. Un héro d’une guerre de libération. Libération qui s’est transformée en oppression. Héro, qui a pris une balle dans la nuque pour une histoire bête et sans gloire. Ce héro est dans le coma. Ce héro, célébré par sa famille, est abandonné par les siens lorsque la guerre se rapproche. Seule sa femme le veille. Au fur et à mesure, elle lui parle comme elle n’a jamais pu le faire. Elle laisse éclater sa colère.

 

On découvre un monde caché où les femmes sont privées des droits élémentaires, où elles sont battues pour les fautes des hommes. Des hommes avec une moralité à géométrie variable. Son mari devient sa « pierre de patience ». Elle va lui dire toutes ses souffrances et une fois que cela sera fait la pierre explosera et elle sera délivrée… Effectivement la fin est libératrice mais peut être pas comme on pouvait l’imaginer. N’y a-t-il pas d’autres solutions pour la femme dans ces pays ?

 

Un cri, une colère …

 

« Ton honneur n'est plus qu'un morceau de viande ! Toi-même tu employais ce mot. Pour me demander de me couvrir, tu me criais : cache ta viande ! En effet, je n'étais qu'un morceau de viande où tu enfonçais ta sale bite. Rien que pour la déchirer, la faire saigner ! »

….

"Elles arrivent, les bottes. Elles s'approchent. Elles chassent la vieille dame, pénètrent dans la cour de la maison, et avancent. Elles avancent jusque devant la fenêtre. Par les carreaux cassés, le canon d'un fusil écarte le rideau aux motifs d'oiseaux migrateurs. Avec la crosse, on fracture la fenêtre. ".

 

Un livre qui se passe peut être en Afghanistan (c’est l’auteur qui l’écrit) mais qui pourrait se trouver dans n’importe quelle zone de guerre… L’auteur dénonce l’hypocrisie de la religion ou plutôt des gens qui y font référence pour défendre toutes leurs exactions. L’auteur dénonce la violence faite aux femmes mais aussi à tous les hommes car finalement c’est l’être humain qui souffre dans ce cadre où la religion s’étale, envahit la sphère publique et privée. 

 

En y repensant, j’imagine bien une pièce de théâtre, c’est écrit un peu comme un scénario.

 

Je viens de découvrir que ce livre a été écrit en mémoire de Nadia Anjuman. Poétesse Afghane assassinée par son mari à 25 ans. Celui-ci a purgé un mois… et oui seulement un mois de prison pour un « suicide » et oui en Afghanistan se faire battre par son mari, c’est un suicide… Son mari est maintenant libre de réarranger les faits et surtout d’éduquer leur enfant qui avait seulement 6 mois à la mort de sa mère. 

 

http://www.timesonline.co.uk/tol/news/world/article589698.ece

 

J’avoue que cette mort m’a beaucoup frappée. J’ai cherché sur internet mais il y a très peu de lien vers cette jeune femme. Je ne sais que dire… Peut être citer quelques uns de ses vers permettra que l’on ne l’oublie pas…

 

“I am caged in this corner, full of melancholy and sorrow,” she wrote in one “ghazal”, or lyrical poem, adding: “My wings are closed and I cannot fly.” It concludes: “I am an Afghan woman and must wail.”

 

Trouvé ici http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=978-2-84682-277-0 :

« Le pas vert des gouttes de pluie », c'est l'ordalie au quotidien des femmes afghanes contraintes au tchadri, à la soumission et à l'humiliation. L'expression est d'une jeune poète d'Herat, Nadia Anjuman. « Ni sourire au recueil de leurs lèvres. Ni larme pointant du lit tari de leurs yeux. Dieu ! Je ne sais si leur cri lourd peut atteindre les nuages. Ni même le ciel ? » écrivait-elle, peu avant d'être sauvagement battue, jusqu'à la mort, par son mari. Sans doute Nadia Anjuman hante-t-elle ce quatrième livre, à la fois roman et récit, d'Atiq Rahimi, qui, avec sa pudeur habituelle, a seulement cité les initiales de la jeune femme dans sa dédicace. Elle et beaucoup d'autres, toutes sœurs dans le désespoir de leurs vies éteintes, dont les voix ne sont jamais entendues, dont les révoltes demeurent enfouies, dont les plaintes n'ont jamais franchi le bord des lèvres.